Si le nom de Denis Mukwege ne vous dit rien, vous avez certainement entendu parler de son action et de ses distinctions dans le droit et le soutien des femmes africaines victimes de violences sexuelles. Ce médecin gynécologue de 63 ans partage le titre honorifique de Prix Nobel de la Paix le 5 octobre 2018 (avec Nadia Murad, pour leur soutien et leurs actions contre la violence faite aux femmes). Retour sur la carrière aussi inattendue qu’indispensable de Denis Mukwege, l’homme qui ose dénoncer les viols comme des armes de guerre.

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D’un simple accompagnement lorsqu’il était enfant à une carrière mondialement reconnue

À l’origine, rien ne prédestinait ce fils de pasteur pentecôtiste à embrasser une carrière médicale. Alors qu’il n’est encore qu’un gamin, il accompagne son père se rendant au chevet d’un enfant malade. C’est en découvrant les souffrances de ce dernier que le petit Denis décide, un jour de devenir médecin. Il n’a, à cette époque, pas encore conscience de ce qui sera très prochainement le combat de sa vie : la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes.

Après un cursus médical traditionnel au Burundi où il découvre avec effroi les taux très élevés de la mortalité maternelle de la République Démocratique du Congo (RDC), Denis Mukwege profite d’une bourse pour compléter son expérience en France. Il y découvre les progrès de la médecine en matière d’obstétrique et de gynécologie. Excellent élève, il trouve rapidement un poste en France, mais n’a déjà qu’un seul but : utiliser ses connaissances dans son pays, pour venir en aide à la population déclinante.

Conscient des violences inadmissibles faites aux femmes congolaises, il ne s’attendait toutefois pas à une horreur de cette ampleur et à un contexte social aussi archaïque, qui consistent à rejeter la faute du viol sur la femme violée et sur sa famille, permettant une forme d’immunité au violeur. Depuis l’ouverture de son dispensaire en RDC, le médecin gynécologue a sauvé plus de 40 000 femmes victimes de violences barbares et insoutenables.

Une démarche de réparation physique et psychologique des femmes, au péril de sa vie

La cruauté humaine n’a ni visage, ni genre, ni couleur de peau. Ce qui semble simplement inamissible à nos yeux peut, dans certaines régions ou certains pays, faire partie de la culture locale. C’est face à cette forme de banalisation du viol que Denis Mukwege s’insurge et se bat depuis plus de 20 ans, quitte à risquer sa vie. Rescapé miraculeux de plusieurs tentatives d’assassinat, il soutient sans relâche les femmes victimes de viol et d’agressions sexuelles. Il soigne leur corps et leur intimité, et les accompagne dans leur reconstruction sociale et personnelle.

Vers une reconnaissance des violences et des condamnations de violeurs ?

Avec plusieurs équipes, il traque sans relâche les violeurs impunis pour que soient reconnus leurs torts et le préjudice grave de la victime. Il tient à tout prix à ce que la mentalité de son pays évolue enfin : non, ce n’est pas normal d’être violée, non, la victime n’est pas responsable de sa situation, tout comme sa famille, et non, les violeurs en puissance ne sont pas au-dessus des lois.

Le docteur Denis Mukwege veille, avec les membres de son dispensaire, à accompagner chaque femme victime dans une démarche judiciaire et sociale. Il l’aide notamment à se reconstruire, à s’alphabétiser le cas échéant, et à se former à un métier au besoin. Il incite la femme violée à porter plainte et prend en charge les frais judiciaires liés à cette procédure. Pourtant, encore trop peu trouvent la force d’aller jusqu’à la condamnation du violeur.

©Brut

L’honneur de ses pairs, du domaine médical et du monde entier

Après plusieurs années à être salué par l’ensemble de la profession et du domaine médical au sens large, Denis Mukwege obtient, en 2014, la haute distinction du Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, récompensant les hommes et les femmes ayant voué leur vie à défendre celle des autres. Son abnégation et son courage lui ont d’ailleurs permis d’être distingué lors de l’attribution du dernier Prix Nobel de la Paix.

Inlassablement, entre deux enseignements de son savoir-faire dans différentes universités du monde, Denis Mukwege répare le corps et l’esprit des femmes abusées. Il tient à faire bouger la mentalité de son pays, notamment pour que soit reconnu le viol comme une arme de guerre, ayant davantage comme but l’humiliation générationnelle, l’instauration de la terreur et le déclin démographique plutôt qu’une satisfaction d’ordre sexuel.